les enfants de la prison de Beau-Bassin

ARTICLE PARU DANS LE WEEKEND SCOPE LE 1ER AVRIL 2015
TEXTE : ANNABELLE ROSE-MONTENOT

Le plus jeune est un nouveau-né, le plus âgé a six ans. Les sept enfants de la prison de Beau-Bassin
y vivent selon le rythme de vie des condamnées derrière les portails en fer et ne sortent prendre l’air qu’à des heures précises. Si tout est fait pour garantir leur épanouissement, les enfants des mères condamnées vivent toutefois selon les règles de l’univers carcéral jusqu’à ce qu’ils puissent poursuivre leur vie ailleurs.

 

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17 h 30. Une heure à laquelle les enfants profitent encore des derniers rayons de soleil pour jouer ou regarder leurs héros préférés à la télévision. Pour Grace, cinq ans, la journée s’achève déjà. La petite fille connaît la routine et rejoint une des cellules de la prison de Beau-Bassin. Une pièce qu’elle partage avec sa mère incarcérée pour une affaire de drogue. Ce moment fait partie du quotidien de cette jeune enfant et ce, depuis sa naissance. Une fois la porte refermée. Plus question de gambader. L’espace est restreint. Ce n’est que le lendemain matin que le son de l’ouverture de la porte viendra lui indiquer qu’elle peut enfin sortir. Outre Grace, ils sont actuellement six enfants à grandir derrière les barreaux. Malgré toutes les bonnes volontés, l’encadrement et les facilités mis en place par le gouvernement et les instances de la prison, ces enfants vivent une situation particulière et hors du commun. Ils ne sont certes pas des prisonniers, mais vivre et grandir en ce lieu hautement sécurisé les amènent à adopter certaines règles et disciplines imposées aux condamnés. Mirella Latchman, assistante surintendante à la Prison de Beau-Bassin, nous explique que ces mères avec des enfants bénéfi cient d’un traitement spécial — leur cellule se trouve dans une aile séparée des autres détenues. Des berceaux, couches, lait et autres équipements et effets nécessaires leur sont fournis. Elles sont aussi un espace de détente commun avec la télévision et des jeux pour les enfants.

 KIDS FOR KIDS.

À première vue, rien ne peut différencier ces petits des autres enfants. Ils affi chent un grand sourire, sont très curieux de notre présence et s’approchent affectueusement et sans hésitation. Dans cette crèche Kids for Kids, créée depuis mai 2012, et gérée par la Fondation pour l’enfant Terre de Paix, ceux de la prison côtoient les enfants des officiers ou ceux venant des régions avoisinantes. Tout semble normal. Une maisonnette très colorée et aménagée avec soin. Un lieu pour grandir, faire ses premiers pas et s’amuser. À l’extérieur, une clôture discrète pour délimiter le lieu. De grands arbres et un espace récréatif en plein air. Un beau tableau, presque parfait car lorsqu’ils se retrouvent sur cette aire de jeu, ou en grimpant sur leur balançoire, les yeux de ces petits ne peuvent en aucun cas rater la grande façade en pierre, l’imposante porte en métal ou l’incontournable panneau “Womens prison”. L’édifice se situe à peine quelques mètres d’eux. Hormis ce détail, nous serions tentés de dire que tout va pour le mieux. Les enfants ne sont pas négligés, ils sont heureux, encadrés et peuvent compter sur la présence de la responsable, Josette Laguette et des cinq membres du personnel pour veiller à leur épanouissement.

RYTHME DE VIE.
Les enfants vivant avec leurs mères prisonnières ne peuvent pas échapper à leur réalité. Dès leur naissance, ils vivent selon le rythme imposé à leurs mères. Pas de grasse matinée,  réveil se fait tôt. Ils ne peuvent certainement pas traîner du pied. Il faut suivre les mêmes règles tous les jours. Douche, s’habiller, petit-déjeuner, école maternelle ou crèche. D’ailleurs, Nirma a le remarqué une différence entre Grace et ses deux grands garçons, qui eux ne sont pas en

wkendsc3Prison: “Je pense que le fait d’être en prison avec moi, cela a joué sur sa personnalité, son développement et sa manière d’être. Ma fille est beaucoup plus mature et intelligente pour son âge. Je constate aussi qu’elle a créé comme une carapace pour se protéger. Et plus elle grandit, plus elle se rend compte que sa vie n’est pas pareille comme celle de ses petits camarades de l’école. Elle commence à me 

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poser des questions.” Les liens entre l’enfant et la maman sont forts, et à part les officiers présents, ils ne connaissent pas grand monde. Aucune visite supplémentaire n’est accordée. La rencontre avec le père, frères et soeurs, ou proches se fait deux fois par mois pendant 30 minutes. Et là encore, tout comme leur mère, ces petits apprennent à composer avec la présence d’une vitre entre eux et ceux venus les voir. Exceptionnellement et très rarement, les responsables accordent un contact physique. En ce qui concerne les enfants d’étrangères condamnées, la prison leur donne un accès à Skype pour se familiariser avec leurs proches selon les mêmes horaires que les autres… Donc côté souvenir, il n’y a pas de quoi remplir un album photo.

 

SOUVENIRS GRIS.
Les premières images que ces petits retiennent sont la cellule, les grilles, les portes, les
surveillants en uniforme. Fort heureusement, de nombreuses sorties et activités sont organisées
régulièrement pour tous les enfants afin de les sortir de cette monotonie et développer leur éveil. Le seul hic, c’est qu’ils ne peuvent pas partager ces moments avec leurs mères. Ce sont des officiers qui ont la tâche d’être les accompagnateurs. Autant qu’ils apprécient d’être à l’extérieur, rien ne pourra remplacer la présence d’un être cher. De ce fait, Josette Laguette nous explique que “récemment, nous avons mis en place des fun days dans la cour de la crèche. Cette activité réunit mamans et enfants et ils peuvent ensemble profi ter de moments très agréables. Nous travaillons sur d’autres projets de ce genre car notre but est de tout faire pour le bien-être de ces petits.” Béatrice, 25 ans, a mis au monde son sixième garçon il y a cinq mois. Le petit grandit à ses côtés et ce choix, elle l’assume même si plusieurs personnes deson entourage ont tenté de la dissuader. Pour la première fois, elle prend ses marques en tant que mère, les autres enfants ayant été élevés par sa mère. Chose qu’elle avoue n’avoir pas pu faire pour les précédents. “Je n’ai pas mené une vie exemplaire, j’ai pris de mauvais chemins qui m’ont amenée ici. Je n’ai
pas d’excuse et j’en prends toutes les responsabilités. Aujourd’hui jeme sens prête à être maman et je veux être là pour ce nouveau bébé. Bokou dimounn ziz nou. Bokou dimounn pa aksepte ki nou gard nou bann zanfan ar nou dan prizon. Me mo kapav dir ki mo senti mwa ek mo
zanfan pli en sekirite andan ki deor. Nou gagn bokou soutien ek konsey. Sa pe ed mwa vinn plis responsab.” Il y a celles qui ont le choix, et d’autres comme Nirma qui ne pouvaient pas faire autrement. La famille de cette Malgache n’avait pas les moyens de venir récupérer l’enfant. Une même situation que vivent d’autres étrangères. Cependant, la détenue préfère voir le côté positif: “Je n’ai personne d’autre que ma fi lle à Maurice.C’est mon seul et unique lien familial. Sa présence m’a beaucoup aidée au début de mon incarcération.Heureusement que je l’avais à mes côtés. Je regrette que les gens aient des pensées négatives à notre égard. Même si nous sommes des condamnées, nous sommes avant tout mamans. Et il n’y a pas meilleure place pour un enfant que d’être avec sa maman.”

1 thought on “les enfants de la prison de Beau-Bassin

  1. Esthel

    Mo trouve sa gardri KIDS R KIDS la enn de bann pli meyer zafer ki sa bann zanfan la inn kapav ganie depi ki zot dan sa milie inkarseral la.
    Mo dir bon kouraz a tou a sa bann mama ki dan prizon avek zot zanfan la, kouma zot dir zot mem zot kapav ena bann defo me avan tou zot enn mama e zot ena la responsabilite pou grandi zot zanfan.

    Mo dir osi enn bon kouraz a bann staff ek care giver ki travay dan gardri Kids r Kids, mo kone ki toulezour li pa fasil me mo kone ki zot ena boukou kouraz pou manz ar li e donn sa bann zanfan la tou seki ena de meyer pou ki zot kapav grandi bien.

    enn gran bravo pou zot e osi pou Fondation pour L’Enfance, Terre de Paix.

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